Lu dans l’édition de Ouest-France
de ce vendredi 22 mars 2019
sous la plume de Yasmine Tigoé.
» Des lycéens font la peau au sexisme
Camille Ringard, Alwen Texier, Adrien Le Fourn
et Cyril Moutaoukil-Théodose,
quatre des organisateurs de la semaine « Deviens toi ».
Photo Ouest-France
Une expo sur les violences faites aux femmes. Un échange sur le consentement. Conférences, ateliers, expositions… Depuis lundi, à Clemenceau, on débat sur l’acceptation de soi et des autres.
Pourquoi une semaine sur les inégalités et les discriminations ?
Ils sont une trentaine d’élèves, tous niveaux et séries confondues, à plancher, depuis septembre, sur cette semaine Deviens toi.
« Les sujets de discrimination, d’égalité, d’être soi-même, me tiennent vraiment à cœur, explique Cyril Moutaoukil-Théodose, à l’origine du projet. Au départ, on pensait reprendre l’idée de la journée de la jupe (1) et de ce qu’un vêtement engendre comme stéréotypes, préjugés… Au fil des discussions, on s’est rendu compte que les questions de sexisme, de harcèlement, de tabous liés à la sexualité étaient toujours très présentes. »
Comment faire fi des préjugés, les combattre, accepter l’autre et s’accepter soi-même ?
Objectif de la semaine : susciter le débat sur ces questions. Les lycéens ont invité juristes, membres d’Amnesty international, associations féministes… Ensemble, ils ont échangé sur la socialisation genrée, le consentement lors d’une relation sexuelle, le sexisme sur Wikipédia…
En cours, certains profs se sont emparés des thèmes. « En SVT, par exemple, on a travaillé sur la question de comment, biologiquement, on devient homme ou femme », souligne Alwen Texier, en 1re ES. Pour clore la semaine, ceux qui le souhaitent sont invités à venir en jupe, vendredi.
Le sexisme et les inégalités, ils connaissent
« On a l’impression d’être sexualisé très tôt, dit Camille Ringard, élève en terminale S. Dès 11-12 ans, on se rend compte que les regards sur nous changent. Et plus on grandit, plus on ressent ces approches violentes et oppressantes. »
« Moi, par exemple, j’évite d’aller place du commerce à cause des réflexions que l’on peut se prendre », ajoute Alwen. « Sale gay, sale pédale, on l’entend très tôt aussi, dit Cyril. Dès le CE2, des garçons de mon âge se moquaient de moi parce que je jouais avec des filles. Un homme doit forcément correspondre à une image d’homme fort et viril. Ça aussi, c’est du sexisme. »
Camille s’est replongé dans des livres de Simone de Beauvoir et Élisabeth Badinter : « Je me rends compte que les stéréotypes sont vraiment intégrés dans les mentalités. Les femmes ont absorbé des normes. J’ai déjà entendu ma mère me dire, quand je me plaignais de réflexions sur ma tenue, « il ne fallait pas te mettre en jupe » ». « Moi, il m’est arrivé de trouver une veste qui me plaisait dans le rayon femmes, renchérit Cyril. Mais parce que c’est dans ce rayon, on me dit « tu ne pourras pas le porter ». »
C’est insidieux, présent dans le quotidien. Camille évoque les affiches annonçant les portes ouvertes au lycée. Pour la filière scientifique, l’affiche montre un garçon, avec calculette et ordi. L’affiche est bleue. Pour la filière littéraire, une jeune fille un peu rêveuse, sur fond rose…
Une affaire de filles ?
Il y a encore du boulot. Pas franchement de mixité dans la semaine « Deviens toi ». « Dans le groupe organisateur, il n’y a quasiment que des filles », regrette Cyril. Et mercredi matin, à l’atelier sur le consentement, il n’y avait aussi que des filles… »
Yasmine TIGOÉ.
(1) Journée imaginée en 2006 par des lycéennes pour dénoncer le sexisme et les inégalités