Notre ami Jacques Ricot
ancien professeur de philosophie
au Lycée Clemenceau
nous communique :
« Chers amis,
J’ai participé à un documentaire intitulé
« Euthanasie, une pente glissante ? »
qui sera diffusé sur la chaîne KTO le lundi 8 juin à 20h40.
Il repassera ensuite une quinzaine de fois et sera mis le lendemain sur le site de KTO et Youtube où vous pourrez le retrouver en entrant le titre.
Ce documentaire reprend les témoignages de soignants belges et fait suite à un livre dont je suis l’un des préfaciers Euthanasie : l’envers du décor (Mols).
Bien cordialement.
Jacques Ricot »
A propos de
Euthanasie, l’envers du décor
Sous la direction de Timothy Devos,
préface de Jacques Ricot et Herman De Dijn
éditions Mols, 2019, 233 p.
une recension de Dominique Poisson
publiée dans la revue
laennec n°1/2020 3, avenue de camoëns 75116 Paris
www.revue-laennec.fr
En Belgique, l’acte d’euthanasie, parce qu’il provoque la mort d’autrui, relève de la loi pénale. Cependant, depuis 2002, la loi belge considère que le médecin qui le pratique « n’a pas commis d’infraction pénale » s’il « respecte certaines conditions ». Ainsi la pratique de l’euthanasie est- elle entrée dans les mœurs de ce pays. Elle y est même considérée comme une « composante normale des soins de fin de vie ». À tel point que la mort par euthanasie y est classifiée comme « mort naturelle » sur les certificats de décès.
Ce livre collaboratif a le mérite – rare et donc majeur – de nous faire partager l’expérience, le vécu et les réflexions de soignants, acteurs de terrain exerçant leur profession dans ce contexte. Il s’agit ici non d’un plaidoyer contre l’euthanasie, mais de nommer et d’examiner, aussi objectivement que possible, les conséquences des pratiques qui découlent de cette dépénalisation.
Les auteurs, médecins, professeurs d’université, infirmiers, philosophes, abordent de nombreux sujets. Certains ont trait aux personnes malades et rejoignent par là même les limites entre soins palliatifs et euthanasie : place de l’alimentation artificielle, sédation visant à soulager le malade, souffrances telle la souffrance « existentielle » ou les souffrances observées en psychiatrie, sens de la vie malgré la souffrance, etc. D’autres s’intéressent aux proches des malades, ou bien encore portent sur le personnel soignant, comme les pressions subies à l’encontre de l’objection de conscience. Enfin, l’attitude même de la société est questionnée, en particulier du fait de l’absence de contrôle réel de l’application correcte de la loi. La loi belge se donnait pour objectif d’en finir avec les euthanasies clandestines, mais celles-ci perdurent ; d’apporter la transparence, mais alors pourquoi tant d’euthanasies non déclarées, et pourquoi l’identité du médecin prescripteur de l’acte létal est-elle tenue secrète ? de contrôler cette pratique, mais les contrôles s’avèrent inexistants ; d’en définir l’application, mais ceci s’avère illusoire, en particulier pour les malades psychiatriques : comment évaluer leur souffrance et leur consentement ? d’en finir avec le paternalisme médical, mais n’assiste-t-on pas à l’apparition d’un nouveau paternalisme, plus prégnant, du médecin qui peut accepter ou refuser de donner la mort ? de proposer une fin de vie plus humaine, mais l’interruption de la vie même saurait-elle donner un surcroît d’humanité au malade et à ses proches ? Les témoignages de médecins « euthanasieurs » montrent leur désarroi et la puissance déshumanisante de cet acte. Les auteurs appellent à bien distinguer les soins d’accompagnement et de soulagement des malades – soins palliatifs – de la pratique de l’euthanasie, et montrent que cette distinction est bien réelle, même dans les cas extrêmes où une sédation s’avère nécessaire pour soulager le malade. « L’euthanasie ne complète pas les soins palliatifs, elle les interrompt (…) elle ne soulage pas le malade, elle l’élimine », rappelle Jacques Ricot dans sa préface.
De lecture aisée, riche en informations et non polémique, ce livre s’adresse à tous, partisans ou adversaires de l’euthanasie. En outre, le lecteur bénéficiera de l’excellente mise en perspective de Jacques Ricot. Pour conclure, citons Timothy Devos, professeur d’hématologie à Louvain : « Les auteurs ne veulent ni juger ni culpabiliser. Au contraire, tous sont tournés vers le futur et ce livre nous laisse le message : “Nous devons mieux faire pour soigner les malades en fin de vie, nous devons viser plus haut !” »
Dominique Poisson