Henri Lafay
(1924-2011)
Professeur de Français-Latin
Professeur d’université
Président de l’APAJH
Photo : Merci à Daniel Le Pollotec
Relevé des archives du lycée
Henri Lafay est né le 30 janvier 1924 à Chiroubles (Rhône).
Henri Lafay est agrégé de lettres (reçu 11ème en 1951).
Avant Nantes, il est en poste au lycée de Saumur.
Il est nommé au lycée Clemenceau le 17 juin 1953 et installé le 1er octobre 1953.
Il remplace Lebois nommé à la Faculté d’Alger.
Il cesse ses fonctions à Clemenceau le 30 septembre 1962 et rejoint le Collège Littéraire Universitaire de Nantes.
On a aussi :
Guerre 39-45 : FFI 3 mois.
Marié, trois enfants. Son épouse était professeur au collège moderne de jeunes filles à Nantes.
Portrait d’Henri LAFAY
signé de son ancien élève
Jean-Pierre PHILIPPE
Evoquer Henri LAFAY c’est tout d’abord se souvenir d’une silhouette, d’un visage. L’homme était grand, de stature assez imposante, surtout pour des élèves de seconde, à Clemenceau, section C. Il était notre professeur de français-latin. Visage ouvert, affable, toujours à l’écoute de son interlocuteur, surtout lorsqu’il s’agissait d’un élève. Derrière ses lunettes, des yeux souriants traduisaient sa bonté et son intelligence. Monsieur discret, profondément respecté de ses élèves à Clemenceau, puis plus-tard, de ses étudiants, après l’ouverture de la Faculté des Lettres de Nantes. Gros travailleur, exigeant avec lui-même, il rayonnait non seulement par son enseignement mais aussi, comme je le constatais plus tard, par son engagement social.
Tout d’abord le professeur à Clemenceau.
J’ai bénéficié de son enseignement, en 1955 et 1956, en seconde et première. Lui, en retour, constatant mes résultats scolaires, devait être désespéré de ma médiocrité. Ce qu’il ne savait pas, c’est que grâce à son allant pédagogique, il me faisait découvrir tout un monde littéraire que j’ignorais.
A la maison, mes seules références étaient les livres scolaires (Castex & Surer, Lagarde & Michard) achetés d’occasion chez Beaufreton (« librairie des facultés. Nantes ») et une encyclopédie Quillet en six volumes, plus son complément, que Maman avait acquise à son bureau. Ce maigre bagage est toujours soigneusement conservé sur les rayons de bibliothèques.
Au lycée, nous suivions et relevions avec passion ses cours se rapportant aux auteurs des XVIème et XVIIème siècles. Parfois, l’heure coulait autour de quatre vers de Ronsard ou de Du Bellay, des Commentaires de Montluc comparés et opposés aux Tragiques de d’Aubigné. On notait, on notait, étonnés de tout ce qui pouvait être extrait de ces quelques vers. Quand on aborda le Don Juan de Molière ce fut un délice, une modernité d’analyse. Je couvrais en classe des cahiers complets que je retranscrivais sur fiches, à la maison. Ce travail de bénédictin m’imprégnait mais ne correspondait pas trop au travail scolaire demandé… ! Je bénéficiais, fort heureusement d’ailleurs, d’une bourse S.N.C.F. très généreuse qui m’a permis d’effectuer des études à Clemenceau mais aussi, en mettant sou après sou de côté, de m’acheter mes premiers beaux livres. Ce fut la découverte de Camus chez Gallimard – maquette Paul Bonet – puis mes premières Pléiade.
Faute de place à la maison et surtout peu satisfait de ma médiocre scolarité, je me suis malheureusement séparé, à la fin de mes études, de tous ces précieux cours. Combien, j’ai éprouvé depuis des regrets !
Mai 1968 : Monsieur LAFAY, professeur d’Université
Dès l’ouverture de la faculté des lettres de Nantes, monsieur LAFAY rejoignit l’Université où il se spécialisa, me semble-t-il, dans l’enseignement de la poésie et la littérature des XVIème et XVIIème siècles. Peut-être d’ailleurs succédait-il à l’un de nos anciens professeurs, monsieur CHRETIEN ?
Entré dans la vie active et responsable syndical au S.N.I. et à la F.E.N., j’ai l’occasion de retrouver mon ancien professeur, lors des événements du mois de mai 1968. Le 13, des affrontements se déroulent autour et à la Préfecture. Pour arrêter la violence qui ne cesse de croître, Henri LAFAY, fort de la confiance des étudiants, entame des pourparlers avec le préfet, M. Vié. L’un des points délicats de son entreprise est le rétablissement de la subvention à l’A.G.E.N. qui avait été supprimée à la suite d’incidents cocasses qui s’étaient déroulés en début d’année au rectorat. Après des échanges particulièrement vifs avec Abel DURAND, président du Conseil général, Henri LAFAY peut annoncer par le haut-parleur d’une voiture de police, le rétablissement des crédits. L’assurance donnée par les autorités qu’il n’y aura aucune poursuite judiciaire envers les manifestants, ramène le calme. On a évité de peu l’accident grave.
En ce printemps, tous les milieux bougent. Les enseignants du secteur confessionnel, regroupés au sein de la jeune C.F.D.T., se montrent très dynamiques. Ils s’appuient sur les milieux progressistes chrétiens du cercle Jean XXIII dont font partie Henri LAFAY et Guy GOUREAUX, doyen de la Faculté des Sciences. Ils prennent contacts avec la Fédération des Œuvres Laïques (F.A.L.). Tout d’abord dans les locaux de la Faculté, plus de trois cents personnes rassemblant des vicaires, des aumôniers, des religieuses et surtout des enseignants du confessionnel et du public, vont dialoguer. Très vite le débat se concentre autour de la dualité du système d’enseignement fortement marquée dans notre région. Pendant la quinzaine d’années qui suivit, souvent réunis, au sein des locaux de la F.A.L., nous avons prolongé ces échanges, enrichi nos réflexions, envisagé des dispositifs concrets pour résoudre « la guerre scolaire », approfondi la notion de laïcité, abordé des thèmes aussi profonds que celui de la foi. Les apports des uns et des autres alimenteront les réflexions, renforceront nos échanges. Guy GOUREAUX, Lucienne ROUX assureront le suivi. Ils seront la cellule pensante du groupe. Henri LAFAY absorbé par de multiples engagements suivra l’évolution de nos travaux. Notre ami Guy GOUREAUX publiera plusieurs articles et rédigera plusieurs livres, synthèses de nos rencontres. Il transmettra nos réflexions, en 1981, au ministre de Mitterrand, Alain SAVARY. Le ministre de l’Education nationale, en retint certaines dans ses propositions destinées à mettre fin à la distinction entre l’école privée (dite « école libre ») et école publique. On connaît la suite ; désavoué par Mitterrand, il donnera sa démission.
Lire : L’occasion manquée d’une école unifiée par G. GOUREAUX, édition Siloë
Henri LAFAY et le combat pour l’enfance handicapée
Très sensibilisé par l’inadaptation de notre système scolaire à la prise en charge de ces enfants, par l’inadéquation des locaux à leur accueil, ainsi que par les besoins d’une formation plus spécifique des enseignants, Henri LAFAY rejoint l’équipe dynamique qui, autour de Roger DUPART, inspecteur, ne cesse d’innover. Notre département est en pointe. Nous envoyons chaque année de nombreux enseignants se former pendant une année en région parisienne. En carte scolaire, nous créons et mettons en place les structures qui nous semblent les mieux adaptées. Les sessions pédagogiques nationales du S.N.I. ont pris à bras le corps ce sujet. Les contributions départementales alimentent la synthèse nationale. Pour notre région, je fus rapporteur des avis et suggestions recueillis lors des nombreuses réunions décentralisées. Madame LAFAY, aussi professeur, assurait des cours à l’Ecole Normale de filles, rue Villa Maria. Elle y était très estimée. Henri LAFAY, se trouvait donc parfaitement au courant des besoins. Discrètement, bien au fait de la situation, il rencontrait et appuyait les acteurs de terrain, intervenait pour hâter les réalisations concrètes : adaptation des locaux universitaires aux handicaps moteurs, mise en place de structures pour les enfants malentendants, sourds muets, malvoyants. En 1969, une association destinée à gérer des fonds publics alloués est créée, ce sera l’A.P.A.J.H. A l’origine, essentiellement parisienne, l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés essaimera dans les départements grâce à la M.G.E.N. et au Syndicat national des instituteurs, puissants relais. Dès sa création dans notre département, Henri LAFAY en assure la présidence pendant dix ans.
Nommé à Paris, en 1979, donnant des cours en Sorbonne, il rédigera entre autres ouvrages, des livres sur la poésie française du XVIIème siècle. Toujours profondément guidé par son humanisme rayonnant, il acceptera de prendre pendant vingt ans la présidence nationale de la fédération nationale de l’A.P.A.J.H. Lourde charge ! Il ne se contente pas d’un poste honorifique, assurant bonne gestion et bonne orientation de l’oeuvre. Il innove toujours, rencontre Ministres et Présidents de la République, fournit des rapports qui draineront les textes de loi. J’ai eu la chance de le saluer parfois, le rencontrant aux assemblées générales de la M.G.E.N.
Il est décédé le 6 décembre 2011, dans sa 88e année.